
Leucémie chez la personne âgée : comprendre pour mieux vivre avec
La leucémie, ou « cancer du sang » est une maladie qui touche principalement les cellules responsables de la production des globules blancs. Bien que la leucémie puisse apparaître à tout âge, elle est plus fréquente chez la personne âgée. Faisons le point sur cette maladie.
Qu’est-ce que la leucémie chez la personne âgée ?
La leucémie est une hémopathie maligne caractérisée par une prolifération anormale des cellules sanguines, en particulier des globules blancs. Cette anomalie empêche la moelle osseuse de produire normalement les cellules sanguines essentielles au bon fonctionnement de l’organisme, comme les globules rouges (transport de l’oxygène), les plaquettes (coagulation du sang) et les globules blancs (défense immunitaire).
Cette pathologie touche près de 9 000 personnes chaque année en France, avec une incidence qui augmente significativement avec l'âge.
La leucémie est souvent plus agressive chez la personne âgée, notamment en raison des altérations naturelles du système immunitaire et de la diminution de la capacité de l’organisme à éliminer les cellules anormales. De plus, les traitements sont plus complexes à mettre en place en raison des comorbidités fréquemment associées à l'âge, comme les maladies cardiovasculaires, l'insuffisance rénale ou le diabète. Ces pathologies rendent difficile la tolérance aux chimiothérapies intensives, qui sont pourtant le traitement de référence pour certaines formes de leucémie.
Contrairement aux jeunes patients, dont l’organisme peut mieux supporter les traitements lourds et agressifs de la leucémie, une personne âgée nécessite une approche plus personnalisée et adaptée à son état de santé général. Ainsi, les oncologues privilégient souvent des traitements moins toxiques, afin de limiter les effets secondaires tout en maintenant une efficacité thérapeutique.
Quels sont les types de leucémie ?
Les leucémies se divisent en plusieurs catégories, les plus fréquentes étant :
- la leucémie myéloïde aiguë (LMA) : elle se développe rapidement et entraîne une production excessive de cellules immatures qui envahissent la moelle osseuse et empêchent la formation normale des cellules sanguines. Ce type de leucémie est plus courant chez la personne âgée, mais les nouvelles approches médicales permettent de mieux gérer la maladie et d’adapter les traitements à chaque patient ;
- la leucémie lymphoïde chronique (LLC) : est l’une des formes de leucémie les plus courantes chez la personne âgée. Elle affecte les lymphocytes B, un type de globules blancs impliqué dans la défense immunitaire. Contrairement aux leucémies aiguës, la LLC évolue lentement et peut rester asymptomatique pendant des années ;
- la leucémie myéloïde chronique (LMC) : est un cancer de la moelle et du sang caractérisé par une production excessive de globules blancs immatures. La LMC est associée à une mutation génétique spécifique, connue sous le nom de chromosome de Philadelphie (Ph), qui favorise la croissance incontrôlée des cellules leucémiques.
La LMC évolue en trois phases principales :
1. Phase chronique où la maladie évolue lentement et les patients présentent peu ou pas de symptômes.
2. Phase accélérée où les cellules leucémiques commencent à proliférer plus rapidement, entraînant une aggravation des symptômes (fatigue, infections, douleurs osseuses, anémie).
3. Phase blastique qui est une phase agressive et se rapproche d’une leucémie aiguë, avec une production massive de cellules immatures.
- la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) est moins fréquente chez la personne âgée, mais elle reste une forme particulièrement agressive nécessitant une prise en charge rapide. Elle touche les lymphoblastes, des cellules précurseurs des lymphocytes, et entraîne une prolifération anarchique de ces cellules immatures dans la moelle osseuse.
Les causes de la leucémie chez la personne âgée
Plusieurs facteurs augmentent le risque de développer une leucémie chez une personne âgée.
1. Le vieillissement naturel
Le vieillissement est le principal facteur de risque de leucémie. L’organisme d’une personne âgée subit des modifications profondes qui affectent la production et le renouvellement des cellules sanguines, notamment :
- l’accumulation de mutations génétiques : chaque jour, notre ADN subit des altérations. Chez les jeunes, ces erreurs sont souvent réparées, mais avec l’âge, ces mécanismes deviennent moins efficaces, favorisant ainsi l’apparition de cellules anormales ;
- la diminution de l’efficacité du système immunitaire : en vieillissant, les défenses immunitaires deviennent moins performantes, ce qui permet aux cellules cancéreuses de se multiplier plus facilement ;
- le vieillissement de la moelle osseuse : la moelle osseuse produit moins bien les cellules sanguines avec l’âge, ce qui peut favoriser un déséquilibre entre cellules normales et anormales.
Ainsi, même sans facteur externe apparent, le simple fait de vieillir augmente le risque de leucémie.
2. L’exposition aux substances toxiques
Certains produits chimiques et toxiques environnementaux augmentent le risque de leucémie chez la personne âgée, parfois après plusieurs décennies d’exposition. Parmi eux :
- le benzène : cette substance, présente dans les carburants, les peintures, les solvants industriels et même certaines cigarettes, est un facteur de risque avéré de leucémie myéloïde aiguë et de leucémie lymphoïde chronique ;
- les pesticides : une exposition prolongée aux produits phytosanitaires utilisés en agriculture peut altérer l’ADN des cellules de la moelle osseuse et provoquer la survenue d’une leucémie ;
- les radiations ionisantes : les expositions répétées aux rayons X (notamment avant que les normes de radioprotection soient renforcées) ou les expositions accidentelles aux radiations nucléaires augmentent également le risque de leucémie.
3. Les antécédents médicaux
Certains patients ayant déjà souffert d’un cancer ou ayant reçu des traitements lourds peuvent être plus vulnérables à l’apparition d’une leucémie secondaire. Deux types de traitements sont particulièrement concernés :
- la chimiothérapie : certains agents chimiothérapeutiques, notamment les agents alkylants (par exemple : cyclophosphamide) et les inhibiteurs de topoisomérase, peuvent altérer l’ADN des cellules saines et favoriser une leucémie secondaire chez une personne âgée, souvent plusieurs années après le traitement initial ;
- la radiothérapie : lorsqu’un patient a été exposé à de fortes doses de radiations dans le cadre d’un traitement contre un autre cancer, il existe un risque accru de mutation des cellules souches de la moelle osseuse, favorisant le développement d’une leucémie myéloïde aiguë (LMA).
Il est donc essentiel de bénéficier d’un suivi médical rigoureux pour détecter toute anomalie dans la production sanguine.
4. Les prédispositions génétique
Bien que la leucémie ne soit pas une maladie héréditaire, certaines mutations génétiques familiales peuvent augmenter la susceptibilité d’une personne âgée à développer une leucémie. Parmi elles :
- les mutations du gène TP53 : ce gène est un gardien de l’ADN, empêchant les cellules endommagées de devenir cancéreuses. Une mutation héréditaire de TP53 peut donc favoriser le développement de cancers, dont les leucémies ;
- le syndrome de Li-Fraumeni : cette maladie génétique rare est associée à un risque accru de divers cancers, y compris les leucémies.
- les anomalies chromosomiques : certaines anomalies, comme la trisomie 21, augmentent considérablement le risque de leucémie.
Toutefois, contrairement aux cancers du sein ou du côlon, les leucémies d’origine familiales restent relativement rares, la plupart étant dues à des mutations acquises au cours de la vie.
5. Les maladies du sang préexistantes
Certaines pathologies touchant la moelle osseuse ou le système sanguin peuvent évoluer vers une leucémie, notamment :
- les syndromes myélodysplasiques (SMD) : ces maladies, souvent observées chez la personne âgée, se caractérisent par une production inefficace des cellules sanguines. Environ 30 % des cas de SMD finissent par évoluer en leucémie myéloïde aiguë (LMA) ;
- la thrombocytémie essentielle ou la polyglobulie de Vaquez : ces pathologies qui affectent les plaquettes et les globules rouges peuvent évoluer vers une leucémie si elles ne sont pas bien contrôlées.
Les patients atteints de ces pathologies bénéficient généralement d’une surveillance hématologique régulière afin de détecter toute transformation leucémique dès les premiers signes.
Quels sont les symptômes de la leucémie ?
Les symptômes de la leucémie chez la personne âgée peuvent être discrets au début, ce qui complique le diagnostic. Les signes les plus courants incluent :
- une fatigue persistante et une pâleur dues à l’anémie ;
- des infections fréquentes en raison de la baisse des défenses immunitaires ;
- des ecchymoses ou des saignements inhabituels causés par un déficit en plaquettes ;
- une perte de poids inexpliquée ;
- des douleurs osseuses ou articulaires dues à l’envahissement de la moelle osseuse par des cellules anormales ;
- une augmentation du volume des ganglions lymphatiques ou de la rate ou du foie, notamment dans les formes chroniques ;
- une fièvre inexpliquée ou épisodes de fièvre récurrents dus à l'activité des cellules leucémiques ou à des infections secondaires en raison de la diminution des défenses immunitaires ;
- une perte d’appétit ou sensation de satiété rapide ;
- des sueurs nocturnes même en l'absence de fièvre.
Le traitement de la leucémie
Lorsqu’une leucémie est diagnostiquée, le choix du traitement ne repose pas uniquement sur la maladie elle-même, mais surtout sur la santé globale de la personne âgée : ses antécédents, son niveau d’autonomie, sa tolérance aux médicaments, et ses souhaits.
Voici les principales options thérapeutiques proposées aux personnes âgées atteintes de leucémie :
La chimiothérapie
La chimiothérapie reste un traitement courant pour certaines formes de leucémie, mais chez une personne âgée, les traitements trop forts, qui peuvent être difficiles à supporter, sont évités.
À la place, les médecins utilisent des médicaments plus doux, comme l’azacitidine ou la décitabine, qui agissent progressivement sur la maladie tout en limitant les effets secondaires.
Les thérapies ciblées
Les thérapies ciblées sont des médicaments qui agissent uniquement sur les cellules cancéreuses, sans affecter les cellules saines.
Par exemple, si le médecin a diagnostiqué une LLC ou une LMC, il peut proposer un traitement oral comme l’ibrutinib, le vénétoclax, ou encore l’imatinib. Ces traitements, souvent bien tolérés, peuvent permettre de continuer les activités quotidiennes tout en contrôlant la maladie.
L’immunothérapie
Dans certains cas, les médecins peuvent utiliser des traitements qui aident le système immunitaire à reconnaître et à combattre les cellules leucémiques.
Ce type de traitement est proposé dans des situations bien particulières, notamment si la maladie revient après un premier traitement.
L’immunothérapie nécessite un suivi médical rigoureux, souvent à l’hôpital, mais peut offrir une chance de mieux contrôler la leucémie.
Les soins de confort (ou soins palliatifs)
Quand la leucémie est à un stade avancé, ou lorsque les traitements deviennent trop difficiles à supporter par la personne âgée, l’équipe médicale peut proposer une prise en charge axée sur le confort et la qualité de vie.
Cela peut inclure :
- des transfusions pour réduire la fatigue ;
- des médicaments contre la douleur ou les infections ;
- un soutien psychologique, pour le malade et ses proches ;
- une aide à domicile ou un accompagnement en établissement si nécessaire.
La leucémie chez la personne âgée représente un défi médical en raison de la fragilité accrue et des comorbidités associées à l'âge. Une approche personnalisée, tenant compte des spécificités de chaque patient, est essentielle pour optimiser la qualité de vie et les résultats thérapeutiques.